Puzzle de Keith Ridgway
Après le succès de Mauvaise pente (Prix Fémina/Étranger 2001), Keith
Ridgway a voulu surprendre son monde en changeant de registre - et même
en inventant une forme romanesque de sa façon : une fiction intimiste
sur le thème de l'impossible solitude, qui démarrerait comme un drôle
de rêve - enfin, pas si drôle que ça - et s'achèverait en
quasi-thriller.
Prenez, dans le Dublin d'aujourd'hui, quelques personnages qui n'ont
aucune raison de se rencontrer, jetez-les en vrac sur le tapis de jeu
et laissez-les se débrouiller... non sans leur avoir lancé quelques
bâtons dans les jambes, car on n'est pas là pour s'ennuyer.
On n'en
dira pas plus, car le romancier cultive avec talent l'art de servir à
son lecteur ce qu'il n'attendait pas. Tirant en coulisse les ficelles
de quelques pantins astucieusement choisis, pas forcément sympathiques
au départ, il trouve vite le moyen, à force de les faire trébucher,
s'égarer, se méprendre sur les autres et sur eux-mêmes, à nous les
rendre terriblement fraternels.
La critique anglo-saxonne a
applaudi, et d'autant mieux que le prestidigitateur finit par tirer de
sa poche un mouchoir... que nous sommes prêts à mouiller de vraies
larmes.
Sentiment d'un connaisseur : " Keith Ridgway sait bien que
le sans-surprise n'a jamais rendu une oeuvre passionnante. D'où ce
roman irlandais à plusieurs tiroirs, porté par une ambition qui
semblait avoir déserté la littérature d'aujourd'hui : drôle, gorgé de
beauté, de tendresse, de rage, de folie, de révolte - avec cela
superbement écrit. Soulevé par le beau désir de raconter, tout d'âpreté
et de nostalgie, déchiré par les choix cruels sur lesquels ne cesse
d'achopper la mémoire, Puzzle captive ses lecteurs jusqu'à les empêcher
de respirer... "
Arf, difficile d'ajouter quelque chose à ces commentaires avec lesquels je suis entièrement à l'unisson !
Cette fois encore, j'ai été sous le choc de l'écriture de Ridgway qui est vraiment puissante et qui nous amène dans un voyage qui commence de bien onirique façon et qui nous dévoile ses pièces, personnages et les liens entre eux au fur et à mesure : magistral.
J'ai aimé chacun-e des personnages, avec un attachement et un intérêt sincère pour chacun d'entre eux, et là je salue la virtuosité de Ridgway, chacun nous amène son univers et on passe ainsi d'un monde à l'autre, et d'un genre à l'autre : la mourante comateuse oscillant entre souvenirs et flous, suspens, love-story, crise de la quarantaine, etc... Là encore magistral.
Je salue aussi la capacité de Ridgway qui, au-delà de son écriture flamboyante, nous restitue toutes les lieux et leurs ambiance de façon palpable : de la demeure-forteresse ou règnent silence et secrets au quai de Dublin en passant par la location glauque de Barry, les boites et autres restos, j'y étais !
Avec cette impression donnée dès le départ d'être un œil dans le ciel qui, zoomant sur telle ou telle scène/personnage s'y retrouve mêlé, d'invisible façon !
Bel hommage aussi à Dublin et sa diversité.
Bref un livre qui m'a emporté et un auteur que je salue définitivement et qui est une de mes grande surprise et révélation de ces dix dernières années!