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Kronik Marsiennes
22 septembre 2008

Taxidermia de György Pálfi


http://www.taxidermia.hu/indexfr.htm

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Trois histoires. Trois âges. Trois hommes. Le grand-père, le père et le fils. L'un est un officier, l'autre un sportif de premier plan et le dernier un maitre dans l'art de la taxidermie. L'un court après le sexe, l'autre après le succès et le troisième après l'immortalité...

Interdit au moins de 16 ans.

LA CLAQUE !

Film magistral que ce film hongrois en compétition à Cannes en 2006 qui renoue avec ce que je pense être l'essence du cinéma.

Je vais essayer de ne pas tomber dans la surabondance de superlatif pour en parler mais OMG : film brillantissime, culte, fou, grandiose, extravagant et plus encore !

Le film avec une simplicité déconcertante sur l'être humain dans sa splendeur faillible, son absurdité démesuré nous plonge au cœur de l'être humain, là où la poésie côtoie le monstrueux et le burlesque.

Ce film nous montre l'inmontrable, ce qu'on ne montre plus : des corps au quotidien, des corps qui transpirent, des corps qui vomissent, des corps  sous l'emprise de désirs incontrôlables, des corps poussés dans des extrêmes... L'être humain est un être de démesure!

Une mise sans scène et un cadrage rigoureux nous offrent tout de long de cette fable de la vie des images résolument belles, et résolument choquante dans leur crudité poétique.

Loin des surenchères à la mode mettant en scène super serial killer ou super héros, Taxidermia sans aucune débauche d'effets spéciaux "à sensations" nous plonge dans une chronique familiale des plus vertigineuses... un voyage dont je garantis qu'il restera à jamais dans votre mémoire...

Taxidermia est choquant parce que la réalité dépasse la fiction, que le quotidien porte en lui les germes de la folie, que les aspirations humaines mènent sur des sentiers parfois bien étrangement balisés.

Le film, chronique de "la comédie humaine" tout autant que parabole de la modernité se construit en trois volets :

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1ère époque : dans la campagne hongroise de l'après-guerre, l'enseigne Morosgoványi  obéit aux ordres et vaque aux taches du domaine Balatony...Le reste du temps, en proie à de frénétiques pulsions sexuelles, il cherche à les assouvir, des manières les plus cocasses aux plus...surprenantes^^.

La scène du coq est un monument de drôlerie et Morosgoványi est littéralement un "cochon" et d'ailleurs ,il ira au bout des cochonneries les plus extrêmes et absurdes...

Les scènes de campagne et les effets (pop up, la baignoire) sont superbement réalisés et maitrisés : un régal visuel dans une atmosphère débridée, parfois extrêmement sensuelle. L'importance des rituels et des rythmes de vie est également extrêmement bien rendue : rituels de la vie quotidienne (bain, naissance, accouchement, abattage du cochon) et rituels personnels avec les séances de masturbations "astucieuses" de notre "héros"...

La caméra est franche et montre, sans pudeur, en gros plan : notre sens de la bienséance est mis à mal par cette proximité extrême, dérangeante... Je salue au passage la prestation des acteurs, on se croirait presque dans un documentaire monté façon "poésie crue"...

Ce passage est allégorique des temps "anciens" : temps où les désirs étaient frustes mais si facilement assouvis.

Et s'amorce ce leitmotiv que le désir est aussi une aliénation...mais jusqu'où nous mènera-t-elle ?


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2eme époque : Après une naissance qui donne lieu non pas à un coupage de cordon mais à un coupage de queue (énorme et jouissif encore, mais ouf aussi, en méga gros plan!) nous allons suivre dans une Hongrie communiste la trajectoire de kalman Balatony qui ne rêve que de  gloire : être champion du monde... des plus gros mangeurs (sic lol).

S'ensuit une époque furieuse et démesurée avec des compétions internationales grotesques de concours de mangeries hallucinantes : les corps sont obèses et la compétition et les entrainement OMG, c'est tout un monde ! Mais on navigue encore entre répulsion et beauté tout au long de cette époque qui nous offre aussi son lot de rebondissements comiques !

La scène de l'hôpital déjà qui nous offre une vision iconoclaste de la sueur des corps et la scène du caviar sur le lac est anthologique : visuellement : un tableau! symboliquement : énorme !

Sur un lac aux paysages enchanteurs, un yacht, des lumignons pour le décorer, une fête regroupant toute l'intelligentsia communiste de Hongrie et de Russie qui, pour se divertir, propose à notre couple de camarades "sportifs" de  manger, que dis-je engloutir,  en un temps record un nombre indécent de kilo de caviar O__O !

On se vautre là dans une scène où l'indécence flirte avec la démesure la plus grotesque, la scène est épique autant que jouissive et jubilatoire : BRAVO!!

Hélas y compris dans ce milieu, la compétition est féroce et les places au sommets des podiums comptées... et kalman aura du "pain sur la planche"...

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Là encore je salue les comédiens, époustouflants dans des rôles difficiles, où le glamour est absent ou tourné en démesure (la lune de miel est un modèle du genre dans le registre de la "contre-norme" *respect*).

Toute cette époque brille d'une flamboyance très "slave", ambiance à la Goran Bregovic et Emir Kusturica  enjoué, coloré, absurde, féroce, férocement vivant !

Belle description des années "pré-crise" du communisme (et du pétrole lol) : tout semble facile, à portée de main, mais les désirs se portent plus loin visent d'autres cieux, et là il est question de gloire, de reconnaissance, internationale via une mise du corps dans un extrême très "humain" encore : la nourriture.. la bonne chère après la chair ^^!

Chapeau aussi au réalisateur qui traite de l'obésité des corps sans aucun voyeurisme.

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3eme époque : Kalman a eu un fils, aussi maigre et sec que l'était son grand-père, Lajoska.. Celui-ci est un artiste, un taxidermiste appliqué et vivant dans une boutique proprement hallucinante !

Là encore, âmes sensibles s'abstenir, les dépeçages et autres découpes sont filmées en gros plan... Pour quiconque a vécu à la campagne, ou connait la boucherie, pas de souci, sinon, ben voilà...là encore la caméra est collée à l'action, nous plonge au cœur des peaux...organes...etc...

Lajoska est timide, introverti, Lajoska s'occupe de son vieux pères obèse et aigri...Lajoska ne semble pas heureux...Il est gris et vit dans un monde gris, où les autres ne lui renvoient qu'indifférence... (bon il a quand même une tête de "pas tranquille"). Cependant on découvre une personnalité attachante.

Personnalité qui basculera face à la perte d'un de ses repères... et dans quelle folie glaciale...minutieuse...

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Et là on entre dans un moment assez insoutenable visuellement, magnifiquement orchestré par le réalisateur : grandiose et dans une démarche artistique...ultime !

Impressionnant là encore, comme tout le film, tant sur le fond que sur la forme...

Comme le coup des chats aussi : comme c'est flippant !!

Et le film s'achève dans une absurdité qui est bien celle des performances du XXIéme : le "no limit" poussé à l'extrême et érigé en "mode", puis commercialisé, "mondialisé"... L'ultime outrage à Lajoska qui deviendra un concept et un produit au lieu d'une œuvre d'art...

Enfin, je me trompe peut-être sur ce point en faisant preuve d'un excès de pessimisme...?

Le désir moderne est bien là dépeint : ultime, mortel, plus loin, excessif à l'extrême flirtant entre la barbarie sauvage, la provocation gratuite... et le malsain...(le porte-clé l'illustre bien).

Sauf que Lajoska tourne cet acte contre lui-même et par là le sublime... *énorme*

Une époque qui exige des désirs outrageux et outrageants bien loin de la simplicité des débuts du film : il en faut toujours plus...  Lajoska ira au bout de cela... *ouch* dans la surenchère ultime...

En conclusion : un film qui marque, et pour cause, il nous offre une réflexion vertigineuse sur notre condition d'hommes et de femmes dans ce monde, de la place de nos désirs, de nos corps, du sens de tout cela... de la vacuité qui nous entoure...

Les scènes s'enchainent et restent vivantes en ma mémoire et me poussent plus avant dans mes réflexions : magistral quand un film arrive à cela. Un réalisateur que je découvre avec ce film : une véritable révélation en plus d'être une claque littérale tant visuellement que par les propos du film : du grand art !

A signaler également une BO somptueuse, signée Amon Tobin *applause*

 

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György Pálfi,  un réalisateur à suivre !

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